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LA MUSIQUE

Chez les Shipibo, les instruments de musique sont rares : il existe des flûtes à un ou deux sons, les flûtistes se répondent et se complètent en fonction des sons que chacun émet. Le rythme est donné par les maracas, avec parfois, certains petits tambours. Les maracas sont faites avec des calebasses (comme nos coloquintes) qui souvent sont magnifiquement sculptées avec les dessins traditionnels et ornées de plumes.

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Pour les danses, les jupes sont bordées de grelots de graines et constituent un élément important du son. Selon Bernd Brabec (Docteur en ethnomusicologie à l’Université de Vienne, spécialiste de l’Amazonie péruvienne), dans les fêtes séculières, où les gens cherchent à se divertir et se socialiser, par refus du contact avec les esprits, les femmes portent des jupes avec des graines appelées Tanoni, dont le bruit couvre acoustiquement la célébration, empêchant ainsi toute communication avec les non-humains.

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Les chants

 

traditionnels

La voix est utilisée de façon privilégiée à travers les chants, que ce soit pour les fêtes, les circonstances solennelles, ou encore pour les rituels chamaniques. Les paroles sont improvisées en fonction des événements et des intentions du (de la) chanteur(se)

Il existe des chants à forme fixe, qui accompagnent des danses et des chants seuls dont les sujets sont divers :
 

  1. Le Shiro Bewá célèbre l’amitié, l’amour, les plaisanteries, autour du masato, (boisson légèrement alcoolisée à base de manioc fermenté) en solo ou en groupe. Le Kopiananti est une forme spéciale de ce chant dans lequel 2 personnes ou 2 groupes se répondent.

  2. Le Mashá est dansé à l’occasion du sacrifice d’un animal, ou de la grande fête de l’Ani Sheati (rite de passage féminin).

  3. Dans le Nawarin, les chanteurs-danseurs se mettent à la chaîne pour se secouer et se réveiller à la fin de la fête bien arrosée.

  4. Le Bewa est un chant seul, pour célébrer la douceur, c’est une sorte de romance selon les circonstances (chasse, départ du soldat, éclipse du soleil, etc.)

Les mélodies, si elles sont caractéristiques de chaque genre, ne sont pas nombreuses. Par contre, leur singularité se révèle pleinement dans l’improvisation poétique et la richesse de leurs évocations.

Une des particularités de ces mélodies est l’emploi de métaphores pour désigner et rendre anonymes les personnes ou les êtres auxquels elles font allusion. Toujours d’après Bernd Brabec, l’usage des noms d’animaux pour désigner des personnages ou des objets peut être interprété de différentes façons :

 

  1. C’est une manière de désigner anonymement la ou les personnes concernées par le chant,

  2. Ou bien, c’est une forme d’animisme, qui consiste à « déshumaniser » les personnes en face d’êtres « non-humains » (esprits),

  3. Ou encore, c’est une interprétation esthétique qui permet un jeu de devinettes ou de casse-tête pour identifier quelqu’un,

  4. Ou enfin, il s’agit d’établir des liens entre les êtres (humains ou esprits) à travers une communication spécifique facilitée par la chanson.

Certains chants, généralement drôles, emploient des métaphores descriptives très élaborées, pour divertir les auditeurs avertis et à même d’apprécier leur subtilité.

Les chants

 

chamaniques

Il existe un autre style de chants, à forme variable : il s’agit de l’Ikaro (du quechua ikarai « souffler la fumée ») chanté par les curanderos lors des sessions chamaniques et en particulier le Nishi Paen Meran Bewá (chanson propre à chaque curandero sous l’influence du Nishi (Ayahuasca)). Les chansons courtes, nommées Osanti, se réfèrent aux animaux appelés par le chamane dans les rituels de guérison.

A propos de ces chants chamaniques ou Ikaros, Bruno Illius (Ethnologue, professeur à l’Institut Latino-américain de l’Université Libre de Berlin et à l’Université de Marbourg) explique que « la musique est la langue des esprits, chanter est la façon appropriée de communiquer avec eux. Adapter sa voix à l’expression des êtres non-humains, c’est les appeler ». Selon Bernd Brabec, ces chants sont destinés à ces « esprits », dont la réaction est susceptible de générer un changement dans la situation du monde : ainsi seront traitées les maladies, les problèmes relationnels tout comme les problèmes culturels.


Dans la tradition, il est courant, pour les petits enfants, de leur « insuffler un chant » sur les animaux et les esprits, pour qu’ils deviennent de bons chasseurs, des artistes créatifs et qu’ils aient du succès avec les personnes de sexe opposé.  

« Dans l’espace où opère le chamane, face à ses patients ou au public, la chanson est perçue comme une sonorité, pourtant, dans le rituel, elle est vue comme un chemin, un tableau, un paysage, alors, le son d’un monde se transforme en substance » (Bernd Brabec)

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